Opération Husky : 1943

Carte, opération Husky, invasion de la Sicile, le 10 juillet 1943.


Par le major (retraité) Harold A. Skaarup 
Musée de la région de Fredericton 

Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1943, une armada alliée de 2 590 navires a lancé l’une des plus grandes opérations combinées de la Seconde Guerre mondiale, soit l’invasion de la Sicile. Au cours des trente-huit jours suivants, un demi-million de soldats, de marins et d’aviateurs alliés ont affronté leurs homologues allemands et italiens pour prendre le contrôle de cet avant-poste rocheux de la « forteresse Europe » d’Hitler. À la fin de la bataille, la Sicile est devenue la première portion du territoire de l’Axe à tomber aux mains des forces alliées au cours de la Seconde Guerre mondiale. Plus important encore, elle a servi à la fois de base pour l’invasion de l’Italie et de terrain d’entraînement pour de nombreux officiers et soldats qui, onze mois plus tard, sont débarqués sur les plages de Normandie. 

IWM, A 17916


Au début de la Seconde Guerre mondiale, le Carleton & York a été mobilisé à Woodstock (N.-B.), le 1er septembre 1939, en tant qu’unité de la troisième brigade de la 1re Division canadienne. Cette unité se composait de : 
  • la compagnie « A » de Fredericton, formée d’hommes des comtés de York et de Sunbury; 
  • la compagnie « B » de Woodstock, formée d’hommes des comtés de Carleton et de Victoria; 
  • la compagnie « C » de St. Stephen et de Milltown », dans le comté de Charlotte; 
  • la compagnie « D » d’Edmundston, formée d’hommes du comté de Madawaska; 
  • en plus d’une compagnie du QG. 
Toutes ces compagnies se sont installées dans un camp établi à Island Park, à Woodstock, pour commencer leur entraînement.  

Carleton & York Regiment, exercice avec masque à gaz,
Island Park, Woodstock (N.-B.), vers 1939.
Mention de source : Famille de Ron Hawkins


En décembre 1939, le Carleton & York Regiment a vogué vers l’Angleterre à bord du Monarch of Bermuda. 

Le soldat W.H. Morris du Carleton & York Regiment
tient un poste radio de campagne sans fil,
lors d’un exercice d’entraînement avant l’invasion de la Sicile.
Angleterre, le 26 mai 1943


L’assaut sur la Sicile devait être le prélude à l’invasion de l’Europe continentale. L’invasion a été confiée à la septième armée américaine, dirigée par le lieutenant-général George S. Patton, et à la huitième armée britannique, dirigée par le général Sir Bernard L. Montgomery. Les Canadiens faisaient partie de l’armée britannique. 


La 1re Division d’infanterie canadienne et la 1re Brigade blindée de l’Armée canadienne, sous le commandement du major-général G.G. Simonds, ont quitté la Grande-Bretagne pour la Sicile à la fin du mois de juin 1943. En cours de route, 58 Canadiens se sont noyés lorsque des sous-marins ennemis ont coulé trois navires du convoi d’assaut, et 500 véhicules et un certain nombre de canons ont été perdus. Néanmoins, les Canadiens sont arrivés tard dans la nuit du 9 juillet pour rejoindre l’armada d’invasion composée de près de 3 000 navires et péniches de débarquement alliés. 

Les troupes canadiennes en route pour la Sicile.

Le 10 juillet 1943, le Carleton & York Regiment est débarqué à Pachino lors des premières vagues de l’invasion alliée de la Sicile. L’opération Husky a commencé par une vaste opération amphibie et aéroportée, suivie d’une campagne terrestre de six semaines. 


Au moment de l’invasion en juillet 1943, 70 000 soldats allemands se trouvaient en Sicile, soit la Panzer Division Herman Göring, la 15e Panzergrenadier Division, la 1re division de parachutistes, la 29e Panzergrenadier Division et le quartier général du XIVe Panzer Corps (General der Panzertruppe Hans-Valentin Hube), auxquels s’ajoutaient 200 000 soldats italiens. 


Les unités italiennes en Sicile constituaient la sixième armée, commandée par le général Alfredo Guzzoni. Elle était divisée en deux corps, le XIIe et le XVIe, et comprenait cinq divisions côtières, deux brigades côtières et un régiment côtier, tous disposés en formations statiques autour de la côte, avec un moral bas et une expérience du combat nulle. L’armée disposait également de quatre divisions de campagne : 4ª (Livourne), 26ª (Assieta), 28ª (Aoste) et 54ª (Naples), ainsi que cinq ports et bases navales, et plusieurs aérodromes avec leurs propres unités défensives. 

Benito Mussolini inspectant les troupes allemandes en Sicile (Italie), le 25 juin 1942.


Les débarquements aéroportés ont eu lieu juste avant l’aube du 10 juillet 1943, suivis de l’assaut sur les plages. Les premiers débarquements ont été effectués par les Britanniques, avec plus de 130 planeurs de la 1st Airlanding Brigade. Leur mission consistait à prendre le contrôle d’un pont, le Ponte Grande, situé à une certaine distance au sud de Syracuse. Cependant, le débarquement a été semé d’embûches : 200 hommes se sont noyés lorsque leurs planeurs se sont écrasés dans la mer, beaucoup d’autres ont atterri dans des zones éloignées de leur objectif, et seulement 12 ont atterri au bon endroit. Malgré cela, les Britanniques sont parvenus à prendre et à tenir le pont. 

Les troupes se préparent à embarquer sur les planeurs Waco.


Pendant ce temps, les parachutistes américains ont tenté un débarquement dans une autre partie de la Sicile, mais cette opération a également été loin de se dérouler sans heurts. La plupart des pilotes utilisés avaient peu d’expérience du combat et la combinaison de cette inexpérience, de la poussière soulevée par le sol sec et des tirs des canons antiaériens a fait que les parachutistes américains, plus de 2 700, se sont retrouvés assez dispersés, certains atterrissant jusqu’à 80 km de leurs cibles. Trois autres têtes de plage ont été établies par les Américains sur 60 km supplémentaires de la côte sicilienne. 

Parachutistes américains en Sicile, 1943. Mention de source : Paolo Marzioli 


Les troupes canadiennes ont débarqué près de Pachino, non loin de l’extrémité sud de la Sicile. 

Les troupes canadiennes débarquant près de Pachino,
non loin de l’extrémité sud de la Sicile. Photo : IWM


Les Canadiens ont formé le flanc gauche des cinq débarquements britanniques qui se sont étendus sur plus de 60 kilomètres de littoral. 


Trois autres têtes de plage ont été établies par les Américains sur 60 km supplémentaires de la côte sicilienne. En s’emparant de la Sicile, les Alliés visaient également à piéger les armées allemande et italienne ainsi qu’à empêcher leur retraite à travers le détroit de Messine vers l’Italie. 


Depuis les plages de Pachino, où la résistance des troupes côtières italiennes a été faible, les Canadiens ont avancé dans une poussière étouffante, sur des routes tortueuses truffées de mines. 


L’assaut principal sur la côte sicilienne a été mené conjointement par les forces britanniques et américaines, les divisions américaines attaquant les côtes occidentales et les divisions britanniques, les côtes orientales. Des navires de guerre ont été basés au large des côtes afin de fournir des tirs de couverture. Les forces britanniques ont eu la tâche la plus facile des deux groupes, les défenseurs italiens se battant relativement peu. Cela a permis aux canons et aux chars alliés de débarquer rapidement, et Pacino a été aux mains des Britanniques avant la tombée de la nuit. 

En s’emparant de la Sicile, les Alliés ont également cherché à piéger les armées allemande et italienne ainsi qu’à empêcher leur retraite à travers le détroit de Messine vers l’Italie. Depuis les plages de Pachino, où la résistance des troupes côtières italiennes a été faible, les Canadiens ont avancé dans une poussière étouffante, sur des routes tortueuses truffées de mines. L’assaut principal sur la côte sicilienne a été mené conjointement par les forces britanniques et américaines, les divisions américaines attaquant les côtes occidentales et les divisions britanniques, les côtes orientales. 

Des navires de guerre ont été basés au large des côtes afin de fournir des tirs de couverture. Les forces britanniques ont eu la tâche la plus facile des deux groupes, les défenseurs italiens ne s’étant pas beaucoup battus. Cela a permis aux canons et aux chars alliés de débarquer rapidement, et Pacino a été aux mains des Britanniques avant la tombée de la nuit. 


Pendant ce temps, les divisions américaines situées de l’autre côté de l’île ont eu beaucoup plus de mal, les avions italiens et allemands opposant une forte résistance à l’invasion. Plus tard dans l’après-midi, une division Panzer composée de chars lourds Tiger s’est jointe à la défense, mais les Américains sont parvenus à débarquer la 18 Regimental Combat Team et la 2e division blindée avant la soirée. Les forces américaines ont réussi à tenir leur position jusqu’à ce que les tirs de couverture de la Marine repoussent les chars. 

Route des canadiennes pendant l’opération Husky.



La résistance s’est intensifiée au fur et à mesure que les Canadiens ont été de plus en plus engagés avec les troupes allemandes déterminées qui ont combattu durement pour les retarder depuis des villages situés sur des hauteurs et des positions presque imprenables dans les collines. Le 15 juillet, juste à l’extérieur du village de Grammichele, les troupes canadiennes ont essuyé le feu des Allemands de la Hermann Goering Division. Le village a été pris par les hommes et les chars de la 1re Brigade d’infanterie et du Three Rivers Regiment. 

Piazza Armerina et Valguarnera sont tombés lors de journées consécutives, après quoi les Canadiens ont été dirigés contre les villes de Leonforte et d’Assoro. Malgré les avantages défensifs que le terrain montagneux conférait aux Allemands, les deux localités sont tombées sous l’assaut des Canadiens après des combats acharnés. 

Des combats encore plus acharnés ont été nécessaires, car les Allemands ont résisté avec détermination sur la route d’Agira. 

Trois attaques successives ont été repoussées avant qu’une nouvelle brigade, bénéficiant d’un soutien écrasant de l’artillerie et de l’aviation, ne parvienne à déloger l’ennemi. Le 28 juillet, après cinq jours de combats acharnés et coûteux, Agira a été prise. 

Les Américains ont nettoyé la partie occidentale de l’île tandis que les Britanniques ont remonté la côte orientale en direction de Catane. Ces opérations ont poussé les Allemands dans une petite zone autour de la base de l'Etna, où les villes de Catenanuova et de Regalbuto ont été capturées par les Canadiens. 

La dispersion des parachutistes alliés a fait croire à l’Axe que l’invasion était massive et ce dernier a demandé des renforts. Ceux-ci n’ont toutefois pas changé l’issue de l’opération. Le 12 juillet, Augusta est passée sous contrôle britannique et le général Bernard Montgomery a ordonné à ses hommes de lancer une attaque sur Messine, au nord. 

Le lieutenant-général George S. Patton, qui a commandé la 7e armée américaine, n’était pas d’accord avec ce changement d’orientation et a demandé à ses troupes de se diriger plutôt vers l’ouest. Les soldats américains ont avancé régulièrement vers Palerme, un port maritime d’importance stratégique. Ils ont rencontré relativement peu de résistance sérieuse et, lorsqu’ils ont occupé le port le 22 juillet, ils ont fait plus de 50 000 prisonniers. 

Le contrôle de Palerme a permis à la 9e division de l’armée américaine d’y débarquer, plutôt que d’avoir à répéter un assaut plus risqué au sud; il a également ouvert une ligne de ravitaillement utile pour les Alliés. Une fois cette étape franchie, Alexander a ordonné à Patton d’avancer jusqu’à Messine. 

La 8e armée britannique n’a pas eu la partie facile, la résistance acharnée des parachutistes allemands et l’intérieur escarpé de la Sicile rendant la progression difficile. Les Allemands ont également été aidés par leurs canons antichars de 8,8 cm, mais les villes de Biancavilla, Catane et Paterno ont finalement été capturées par les Alliés. 

Les troupes britanniques grimpent sur les décombres d’une rue dévastée de Catane, en Sicile, le 5 août 1943.

Pendant ce temps, les forces canadiennes, sous le commandement de Lord Tweedsmuir, ont lancé un assaut surprise réussi sur Assoro et Leonforte en escaladant une falaise qui semblait inaccessible et qui avait donc été laissée sans défense. 

La dernière tâche des Canadiens a consisté à percer la principale position ennemie et à s’emparer d’Adrano. Ici, ils ont continué d’affronter non seulement les troupes ennemies, mais aussi les barrières physiques d’un pays accidenté, presque sans piste. 


Les mortiers, les canons, les munitions et les autres fournitures ont dû être transportées par des trains de mulets. Sans se décourager, les Canadiens ont avancé régulièrement contre les positions ennemies, se battant littéralement d’un rocher montagneux à l’autre. Les approches d’Adrano ayant été dégagées, la voie était libre pour la fin de la campagne sicilienne. 

Opération Husky/Invasion de la Sicile. Un certain Martin Baltimore survole sa cible, les forces allemandes en retraite se dirigeant vers Messine, juillet 1943. 


Les Canadiens n’ont pas participé cependant à cette phase finale, puisqu’ils se sont retirés en réserve le 7 août. Onze jours plus tard, les troupes britanniques et américaines sont entrées à Messine. La Sicile a été conquise en 38 jours. Au début du mois d’août, la Sicile était largement sous le contrôle des Alliés. 

Les armées américaines et britanniques se sont hâtées d’atteindre Messine en premier, l’Axe étant empêché de faire sauter les ponts par des forces aéroportées avancées. Les forces américaines ont remporté la course vers Messine avec moins d’une heure d’avance, l’atteignant dans la matinée du 17 août. Elles ont constaté que les défenseurs allemands avaient déjà été évacués, mais dans une telle précipitation, d’énormes caches de carburant, d’armes et de munitions de grande valeur étaient encore présentes. 

Messine elle-même a été en grande partie détruite par les bombes alliées et les obus défensifs italiens, mais l’opération Husky dans son ensemble a été un succès total pour les Alliés. L’objectif consistant à exposer ce que l’on appelait le « ventre mou » de l’Europe a été atteint, et la Méditerranée a été sécurisée pour les navires alliés. Néanmoins, cela a été l’un des combats les plus sanglants de la Seconde Guerre mondiale : les pertes du côté allié se sont élevées à environ 25 000 personnes, tandis que 160 000 soldats allemands et italiens ont été tués, blessés ou capturés. 

Évacuation de la Sicile par les Allemands, du 11 au 17 août 1943.

Si les invasions de la Sicile et de l’Italie sont bien connues, l’importance de l’évacuation de la Sicile par les puissances de l’Axe a été terriblement négligée. En une semaine, les puissances de l’Axe ont pu évacuer 50 000 soldats allemands et 75 000 soldats italiens à travers le détroit de Messine vers l’Italie continentale. Les Alliés n’ont pu empêcher cette évacuation, car le plan d’invasion ne tenait pas compte de l’épuisement des troupes et du manque de réserves. Les Allemands ont également mené une action d’arrière-garde experte pour ralentir la progression des Alliés. 

Les pertes canadiennes au cours des combats se sont élevées à 562 tués, 1 664 blessés et 84 prisonniers de guerre... et les combats se sont poursuivis en Italie. 

Mémorial du cimetière canadien d’Agira, en Sicile.